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janvier 2022 - Page 2

  • Les racines d’Anna-Meï

    Comme un oiseau dans les nuages, Syros, Sandrine Kao, roman ado, Chine, Taïwan, dépression, généalogie, piano, janvier 2022« Grâce à toi, j’avais filé mon enfance sur fond bleu tendre, la coloration des beaux jours, et racé un chemin cotonneux et agréable comme un nuage. »

    Anxi, Jingjian, Quanzhou en Chine ou Sandimen, Tainan, Kaohsiung sur l’île de Taïwan, autant de lieux qui ne disent pas grand-chose au lecteur ni à Anna-Mei, l’héroïne de Comme un oiseau dans les nuages, écrit par Sandrine Kao aux éditions Syros. Ces endroits lointains font pourtant partie prenante des origines de l’adolescente. Peut-être même peuvent-ils expliquer les raisons de son profond mal-être. Pourquoi sa fidèle grand-mère Yifei, qu’elle appelle Ama, ne lui a jamais vraiment parlé de sa jeunesse, de sa famille et de ses ancêtres asiatiques ? Anna-Mei, qui se rêve pianiste mais échoue lamentablement à un grand concours va devoir creuser cette piste pour se découvrir elle-même.

    « Éliminer le Feu et le Tan, réguler le Qi, débloquer le Foie, apaiser l’Esprit, rééquilibrer le Yin et le Yang … Bon tout ça d’accord. Le Feu, le Qi, je savais à peu près à quoi ça correspondait »

    Le roman ado est un dialogue entre petite-fille et grand-mère, narratrices du récit chacune leur tour. On suit leurs parcours, celui des générations précédentes et la petite histoire croise la grande histoire de la Chine et de Taïwan. Les destinées des différents membres de cette famille sont à la fois tragiques et romantiques. La vie semble se jouer d’eux et pourtant une aura lumineuse transparaît à travers leurs épreuves. Chaque génération semble transmettre un lien d’espoir à la génération suivante. Anna-Mei semble contenir à elle seule les tragédies, les doutes et la lumière de ses ancêtres, et notamment la lignée des femmes. Tout cela est dur à porter pour une jeune fille de seize ans, perdue dans les tracas, tous aussi difficiles de l’adolescence. L’aspirante pianiste va petit à petit percevoir ses origines d’un œil neuf, et non plus seulement à travers le regard de ses camarades français. En effet le récit se déroule au début de la pandémie et les personnes ayant des traits asiatiques sont vus comme des porteurs potentiels du Covid 19 et sont dénigrés.

    « Ça me fait penser à une Cendrillon inversée : l’héroïne, Zhou, serait la mal-chaussée qui n’arrive pas à rentrer son pied dans de si petits souliers, […] »

    Comme un oiseau dans les nuages nous emmène sur les routes chinoises puis taïwanaises à travers différents régimes et croyances. Ama, née dans l’Empire du milieu, ayant grandi sur l’île de Taipei, est un pont entre les cultures, les années et les façons de voir les maladies. Le récit est plutôt âpre et n’épargne pas le lecteur mais il garde la douceur que laisse présager son titre. C’est aussi un hymne à la liberté de mener sa vie comme on l’entend, surtout en tant que femme. Par ailleurs, Sandrine Kao sait ménager le suspens à chaque chapitre. À la fin de l’histoire, l’envie d’en savoir plus sur ces deux pays asiatiques mais aussi sur notre propre arbre généalogique nous taraude. À partir de 14 ans.

    Image: Édition Syros

  • Une BD qui vire au culte

    Coup de Choeur BD

     

    “Je vois clairement les pensées de mes semblables et leurs émotions surgir de leurs crânes sous forme d'abstractions lumineuses”... C'est l'expérience la plus passionnante et intéressante qu'il m'ait jamais été donné de vivre, aussi grisante, irrationnelle et obsédante qu'un rêve”. (p.36 et 39)


    Dieu est un virtuose synesthésique. Il joue une symphonie démiurgique et nous entendons les couleurs du monde, les formes des galaxies, les émotions de l'univers. Il a créé ce monde de dingues dans une impro sous acide avec une guitare électrique branchée sur un ampli réglé à plein volume”. (p.42)


    ledroit.jpegAvec le troisième œil (acte I-La ville lumière) paru chez Glénat, Olivier Ledroit signe seul un roman graphique initiatique et fantastique, hallucinant et total, mêlant ésotérisme et occultisme, magie et alchimie, métaphysique et eschatologie.
    Mickaël Alphange, le héros de cette BD, est un jeune homme, apprenti vitrailliste, aux perceptions synesthésiques, habitant Paris. Un soir, à l'aide de substances psychédéliques, s'ouvre à jamais son œil spirituel, visionnaire et il perçoit dès lors l'invisible éthérique des êtres, des lieux, des objets, pour le meilleur (un monde lumineux) mais aussi le pire (des entités ou forces ténébreuses).
    Guidé et formé patiemment par ses pairs, il participe à un rite initiatique lors d'une nuit astrologiquement propice, en arpentant la capitale occulte pour renaître, par un processus alchimique, à son corps immortel et divin.
    Il est désormais élu à un destin hors du commun et possesseur d'une lame magique...
    Les références fusent et sont assumées dans cette œuvre graphique hallucinée, Lynch, Carpenter (the thing, invasion Los Angeles) ou encore Kubrick (2001) pour le cinéma fantastique, Herbert (le rêveur de Dune qui doit se réveiller) ou Dantec pour le thriller esoterico-futuriste.
    Olivier Ledroit dépeint aussi comme personne l'époque, ses enjeux, ses dilemmes et sa dimension eschatologique. Il est rare de condenser en si peu de pages un univers en soi, attendu et pressenti par beaucoup, ce qui fait de lui, à l'instar d'un Druillet ou d'un Moebius, un chef de fil artistique de sa génération.

    Ce premier tome est une œuvre crédible qui se suffirait presque à elle-même, empreinte de luminosité aux teintes bleutées. Les visions de Mickaël Alphange détonnent de réalisme, entre onirisme et expérience chamanique. Une réussite et un ovni, comme le fut Blueberry de Kounen à l'époque.

    En bonus, un entretien téléphonique avec Olivier Ledroit (22 min) :


    podcast

     

  • Plus doux qu’un conte 

    Praline Gay-Para,  Julien Billaudeau,  Le feu au sommet de la montagne et autres contes , Actes-Sud Junior, janvier 2022, Paris d’exil ,  Syrie, Érythrée, Éthiopie, Soudan, Afghanistan, écriture arabe,  amharique, tigrinya,  pashto« Elles arrivent devant une ogresse monstrueuse qui attise les flammes avec un arbre qu’elle vient de déraciner. Elle a des dents énormes et acérées et des yeux rouges comme les braises. »

    Découvrir un conte est comme déballer un cadeau. On ne sait pas ce qu’on va trouver, nous sommes curieux mais souvent un peu inquiets de ce qu’on va recevoir. Qu’elle soit effrayante ou sublime, la surprise est toujours au rendez-vous. Avec Le feu au sommet de la montagne et autres contes de Praline Gay-Para, illustrés par Julien Billaudeau et publié aux éditions Actes Sud Junior, difficile d’être déçu. Tout d’abord parce que Praline Gay-Para est une experte des contes, elle en a publié une demi-douzaine, ensuite parce que ceux-ci, venus du monde entier, nous ouvrent les portes de l’ailleurs, propice à l’imaginaire.

    « - Mon village et les miens me manquent. Je me languis de ma femme. Tu me paierais mon salaire ? Le propriétaire lui donne trente pièces d’or. »

    À l’image des illustrations et de la couverture, réalisés par Julien Billaudeau, ces histoires sont colorées, inattendues, sombres et joyeuses. Elles viennent de Syrie, d’Érythrée, d’Éthiopie, du Soudan et d’Afghanistan. Chacune a été traduite depuis sa langue d’origine ou à partir de l’anglais. Pour plus de cohérences, les contes ont été vérifié et enrichi par des natifs des pays en question. Par ailleurs, tous les textes sont retranscrits dans leur langue d’origine, notée en dessous du français. Les lecteurs peuvent donc découvrir l’écriture amharique (Éthiopie), tigrinya (Érythrée) et pashto (Afghanistan) moins connus que l’arabe (Syrien et Soudanais) mais tout  aussi calligraphique.

    « II pose tour à tour à ses filles la même question. La troisième répond : « tu es plus doux que la mélasse ». La quatrième répond en riant : « Plus doux que le sucre d’orge ».

    Venez donc à la rencontre de Fatma la Belle, qui affronte bien des dangers pour être libre, l’homme de Damas heureux de suivre Les trois conseils, la princesse dont le père est Plus doux que le sel, Bizuneh, fraîchement mariée, qui doit affronter Les moustaches du lion ou Arha, jeune domestique, qui cherche Le feu au sommet de la montagne. Petit coup de cœur pour les deux derniers contes qui réchauffent l’âme mais tous méritent le détour. Des contes à lire, chacun son tour, à partager, à déguster tout en cherchant la fève cachée entre les pages.

    Un don est reversé à l’association Paris d’exil pour chaque achat.

    Image: Actes Sud Junior

  • Un monde au grenier

    L’étranger dans le grenier , Benoît Séverac , dyslexie, Flash Fiction, Rageot éditeur, janvier 2022, immigration, confinement« Et manger des légumes à chaque repas ! Pas des légumes genre sympas recouverts de fromage avec de la sauce. Non, genre dégueulasses, cuits à la vapeur avec un peu d’huile d’olive dessus et c’est tout ».

    Ce n’est pas parce qu’on est dyslexique qu’on ne peut pas plonger dans un beau roman et s’y installer confortablement. La collection Flash Fiction de Rageot éditeur conçoit des ouvrages adaptés à un public aux troubles DYS. La lecture est plus courte mais elle n’en est pas moins intéressante voire passionnante. De nombreux auteurs jeunesse tels que Susie Morgenstern, Jean-Christophe Tixier, ou encore Malorie Blackman y ont écrit des histoires à destination des jeunes en difficulté des lectures ou qui se méfient des livres.

    « - On ne peut pas le laisser comme ça ! a dit ma sœur avant même que j’aie le temps de m’asseoir sur mon lit ».

    C’est au tour de Benoît Séverac d’enrichir la collection avec L’étranger dans le grenier. Comme pour chaque ouvrage publié, la taille de la police est plus grande, les interlignes plus espacées, les pages teintées et les personnages du roman sont présentés au début de l’histoire. L’aventure que vont vivre Cécilia, Martin et Océane, frère et sœurs, se passe au moment du confinement. Ils doivent rester chez leur grand-mère qui a un jardin et une grande maison plutôt que rester à l’étroit dans un petit appartement avec leurs parents. Pourtant, ils n’ont pas l’air enchantés … jusqu’à ce qu’ils découvrent l’existence de Diané, caché au grenier.

    « Le regard de Kourouma s’est illuminé alors que, quelques secondes auparavant, elle était la petite fille la plus triste de la planète »

    Nous suivons l’évolution de ces enfants, allant de surprises en surprises et rencontrant un monde inconnu, même coincés en pleine pandémie. Difficile de voir les choses de la même manière après ça, les adultes eux-mêmes ne changent-ils pas quand les circonstances l’exigent, même les grand-mères ? L’ouvrage de Benoît Séverac est une porte d’entrée qui s’ouvre vers plus d’humanité et de partages en ces temps troubles. La réalité ne se passe toujours comme dans les livres mais l’imaginer fait du bien. Après tout les jeunes lecteurs et lectrices sont l’espoir de demain.

    Image: Rageot éditeur

  • La prière est veille

    "La lune, qui n'a pas de lumière par elle-même, peut être considérée comme le symbole du moi humain qui ne peut recevoir de vraie lumière et de vraie chaleur de vie que de la transcendance, symbolisée par le soleil. Sans cela il est envahi d'obscurité". (p.11)


    trigano.jpgLivre salutaire que "Ta foi t'a guéri", dernière réflexion méditative de Pierre trigano, commencée chez nos confrères suisse (tout est parti d'une conférence) et éditée aux éditions Cabédita.
    Par temps de COVID long il ravive l'espoir d'une issue lumineuse pour peu qu'on ne cède pas à la "foule des émotions sombres et des pensées tragiques", nous maintenant léthargique.
    Par l'analyse symbolique de deux guérisons de Jésus dans les évangiles (l'aveugle de Jéricho et le paralytique de Capharnaüm) et leur amplification sémantique à partir de la racine hébraïque, il convoque et oppose, à toute tempête mentale pessimiste , "la puissance divine du bonheur" (traduction littérale de Yeshoua), par la prière, l'abandon confiant au "4" (un des noms de YHWH ou Yehouha) et la vigilance active face à ses rêves diurnes, voie royale de l'inconscient et de son centre potentiel de guérison, le Soi.

    Rappelant qu'infirmité physique rime souvent avec "racine psychologique de la maladie"(p.55), il insiste sur la cause de tout nœud intérieur, un chagrin originel (échec, honte, jugement ...) qui se traduit parfois par le corollaire anesthésiant de la tristesse : dame colère.
    L'enjeu et le chemin de la guérison (corps, âme et esprit) passe selon lui par le pardon qui signifie en hébreu "couvrir sa colère", fruit d'une maturation personnelle ou/et d'un acte de foi. Seul en effet un état d'ouverture (à plus grand que soi) et donc de descente du mental au cœur, est prélude à une demande ou à un cri envers le guérisseur intérieur, dont le nom et symbole est Jésus pour les chrétiens.
    À l'instar d'une Annick de Souzenelle, l'auteur est un émerveillé. Sa relecture, son interprétation intériorisée et sa méthode d'amplification étymologique (comme pour l'analyse d'un rêve) des textes bibliques (Il a commis 6 volumes de l'Inconscient de la Bible chez Réel éditions), le fait s'approcher toujours plus prêt du noyau divin et du devoir de piété qu'il impose, face au sacré et au mystère d'un Feu d'Amour n'éclairant malheureusement le commun que dans sa dimension dévastatrice.